La nouvelle Dr. Ruth Romande
La petite fille curieuse devenue Dr Ruth romande
Portrait Bien connue des auditeurs de la RTS, la sexologue d’Orbe Patrizia Anex brandit la parole et les actes contre le divorce.
«Tout le monde le pratique. Pourquoi est-ce que ça devrait rester quelque chose de sale dont il ne faut pas parler?»
Régulièrement, sur le coup de 9 heures du matin, Patrizia Anex fait avaler de travers leur café aux auditeurs de l’émission «On en parle» de la RTS. «Masturbation», «sodomie», voire «fist fucking» sont en effet des termes qu’elle prononce sans la moindre gêne, de manière simple et évidente. «Mais enfin? Le sexe, c’est de l’énergie, de la vitalité, une force formidable», assure cette exubérante sexologue installée à Orbe. «En plus, tout le monde le pratique. Pourquoi est-ce que ça devrait rester quelque chose de sale dont il ne faut pas parler?»
Cette question la poursuit depuis toujours ou presque. «Je suis née dans un milieu catholique d’immigrés italiens. Très vite j’ai été interpellée par le décalage entre le discours restrictif de mes parents sur le sujet et l’image de bonheur et de complicité dégagée par leur couple.» Heureusement, son grand-père était plus prolixe. «Un homme très ouvert. Lorsque je me suis fiancée, il s’est inquiété de savoir si on avait tout essayé et si tout fonctionnait correctement.»
Les premières vraies réponses, la jeune Patrizia les trouve dans le journal «Le Matin», et plus particulièrement dans la chronique du Dr Ruth, la sexologue Ruth Westheimer de son vrai nom. «À l’époque, j’avais dit que je voulais devenir la Dr Ruth romande et les copains s’étaient moqués de moi. Ça rigole moins aujourd’hui», lance-t-elle avec un regard par en dessous, à la fois vengeur et amusé. L’opportunité se présentera vingt-sept ans plus tard, alors qu’elle ne s’y attendait pas du tout. Mais avant cela, la jeune femme doit se former. Vu ses centres d’intérêt, elle se tourne vers la médecine. Mais un échec la redirige vers la psychologie, puis la sexologie. «À l’Uni, j’ai fait tous mes travaux de mémoire sur le sujet. Et comme les profs ne s’y connaissaient pas trop, ils me mettaient des bonnes notes.» Dans un souci de rigueur scientifique et pour toujours être au plus près des connaissances malgré le peu de recherches dans le domaine, elle expérimente un maximum de choses avec celui pour qui elle a eu un coup de foudre à l’âge de 16 ans: son futur mari, Jean-Christophe Anex. «Il ne voulait pas entendre parler de théorie et des analyses psychologiques en tous genres, mais il était toujours partant pour les travaux pratiques.» «On touche à l’essence de l’être»
Durant cette période, Patrizia Anex prend conscience du cadre très large de son domaine de prédilection. «Le sexe, c’est l’addition du génital et de l’émotionnel. En travaillant en sexologie plutôt qu’en psychologie, on gagne du temps. Car on touche à l’essence même de l’être.» Une aubaine pour celle dont l’intérêt pour la chose transparaissait déjà depuis longtemps, malgré elle. «À l’adolescence déjà, tout le monde venait me poser des questions. Je ne savais pourtant pas quoi leur répondre et ma vie n’était pas différente de la leur.» La future sexologue réalise aussi l’importance de «la chose» dans le fonctionnement de la société. Elle se met à défendre la cause des femmes. «Je ne suis pas une militante. Mais il faut remettre les choses à leur place. Je suis heureuse d’apprendre aux femmes à aimer leur corps, leur sexualité et leur puissance.» Elle constate aussi combien la négligence du sujet au sein des couples peut conduire au divorce. «Cela me donne l’envie de me battre pour les aider.»
Sa joie de vivre et sa foi en l’avenir ne seront toutefois pas suffisantes pour encaisser le drame totalement inattendu qui va la frapper en 2011: le décès de son mari lors d’un banal entraînement sportif. «J’ai débuté trois ans d’hibernation, mais je ne me suis pas laissé le droit de sombrer.» Touchée en plein cœur, cette maman de trois adolescents va chercher au fond d’elle la volonté de s’en sortir, sans médicaments. De la même manière qu’à l’âge de 4 ans, lorsqu’elle avait commencé l’école sans parler le français, elle avait décidé – et réussi – à être la première de la classe à savoir lire.
LA personne capable de parler de sexe
Hasard ou signe du destin? Quelques semaines après le drame, alors qu’elle songe à tout plaquer, Patrizia Anex reçoit un coup de fil d’une journaliste de la RTS cherchant un avis de spécialiste pour un sujet sur les troubles de l’érection. Anouck Merz se souvient parfaitement de ce premier contact: «Quand je l’ai entendue utiliser ces mots crus avec tellement de douceur dans la voix, j’ai tout de suite pensé que cette femme dotée d’une grande expertise et qui assume et revendique sa féminité était LA personne capable de parler de sexe aux auditeurs sans les choquer.»
L’idée d’une chronique naît instantanément. Malgré le drame qui la frappe, Patrizia Anex se souvient de son rêve de devenir la Dr Ruth romande.
Elle se dit: «Vas-y, fonce!»
Sept ans plus tard, le rêve de l’adolescente s’est réalisé. Et lui apporte une petite notoriété qui n’est pas pour lui déplaire. «C’est plutôt chouette, même si ça fait peur à certains hommes.»
Pour le reste, Patrizia Anex se réjouit surtout que sa médiatisation fasse avancer «la cause». «Quand une auditrice de 70 ans vient me dire, les yeux plein d’étincelles, qu’elle a connu son premier orgasme grâce à l’émission, je me dis que je fais un métier magnifique.»
Le plaisir & le périnée
C’est dans son cabinet à Orbe et ses magnifiques paysages du Jura vaudois, que Patrizia Anex nous a parlé du lien entre le plaisir et le périnée. Autour d’un bon thé chaud et sur un canapé très confortable.
La prise de conscience sexuelle au travers du périnée
Patrizia Anex, qui aborde régulièrement sans tabou l’amour et la sexualité à la RTS, met d’abord en évidence les freins psychologiques et culturels qui nous poussent malgré nous à ne pas jouir totalement de notre sexualité. Elle explique que la raison principale qui pousse des femmes à venir la voir dans son cabinet est le fait qu’elles ne se pensent pas être excitables. Que malgré chacun de leurs efforts, elles n’arrivent pas à avoir une excitation sexuelle assez importante pour éprouver du plaisir lors de l’acte, voir pour avoir tout simplement envie de s’y adonner.
Dès que les femmes savent qu’elles peuvent être excitées,
la couleur de leur vie change.
Pour elle, l’excitation est un réflexe, à l’instar d’un éternuement lorsque du poivre vient stimuler nos narines. De ce fait, nous devons mettre en place des stimulants externes afin de déclencher l’excitation lorsque nous le désirons. Une solution? Les exercices du périnée.
L’étude de la réaction aux exercices du périnée.
Avec l’accord de 10 patientes, elle a décidé de mettre en place une étude clinique afin de mesurer les améliorations sur l’excitation de ses patientes après avoir suivi des exercices pour apprendre à contrôler son périnée.
Un conseil de Patricia Anex a particulièrement retenu notre intention: « l’exercice le plus simple et le plus efficace consiste en une contraction du périnée le plus lentement possible, en prenant concience des sensations. Le premier effet secondaire est de créer une meilleure lubrification, le deuxième est de ressentir « des papillons dans le ventre ». C’est à dire, prendre conscience d’avoir un creux érotique en nous qui est excitable et plaisant. »
Cette maîtrise des contractions du périnée et la mise en parole des sensations ressenties pendant ceux-ci n’est pas un exercice évident. Pourtant, exprimer à haute voix ces sensations intimes incite à connaître plus précisément le fonctionnement de son propre corps. Avec trois principaux objectifs: créer le désir, améliorer (voir relancer totalement pour certaines patientes) la lubrification vaginale et sentir notre intimité plus vivante en prenant conscience de la place du périnée dans notre corps.
Les résultats de cette étude gagnante
Après seulement quelques semaines d’exercices, 8 femmes sur 10 ont réussie à relancer le désir qu’elles pensaient totalement perdu et une bonne lubrification vaginale inhérente. Les deux dernières ayant des problèmes plus profonds, à savoir des problèmes de couple l’ayant poussé à arrêter l’étude pour l’une, et une maladie gynécologique pour l’autre.
L’une d’elle a même remarqué, en faisant ses exercices dans le train, qu’un homme a semble-t-il été sensible aux mouvements du périnée qu’elle exerçait. Il a été capable de ressentir l’excitation chez elle monter à ce moment.
Les conclusions à tirer de celle-ci
La grande conclusion à tirer de cette étude est que prendre conscience de son périnée est une étape cruciale pour une vie sexuelle vivante et épanouie. Que malgré les freins psychologiques et médicaux (certaines patientes ont quand même réussi à retrouver une lubrification après avoir subi une chimiothérapie pour un cancer du sein), des exercices physiques et une prise de conscience de nos sensations est la clé pour réussir à mener une vie sexuelle épanouie, alors même que des raisons physiques ou psychologiques rendaient cette réussite peu probable.
Après cette rencontre et avoir quitté amèrement la douceur de son fauteuil, on repense à cette appréhention à entrer dans le cabinet d’une sexologue, ce qui doit être le cas de beaucoup d’entre vous nos fidèles Kegirls. Cela a mis en évidence le fait qu’il est souvent plus que nécessaire de partager avec des experts des problèmes que nous pensons insurmontables, même si comme dans le cas d’une sexologue, les freins psychologiques mais aussi culturels poussent à tout garder en notre fort intérieur.
Que des solutions existent toujours, et que dans ce cas, prendre conscience du périnée et de ses dons inconnus et souvent inexploités était une solution presque magique pour améliorer la vie sexuelle de chacune des femmes.
Article écrit par Marie
Tomber sur "le bon" à 16 ans, un chance côté sexualité?
En pleine adolescence, ils sont tombés sur la personne qui leur correspondait. Chance ou boulet? Comment la vie sexuelle de ces couples évolue-t-elle?
Si nos arrière-grands-parents ne se posaient pas cette question – ou alors moins ouvertement – elle ne peut que tarauder les adultes d’aujourd’hui qui ont construit leur vie avec leur premier amour. Car il faut bien le dire: les couples qui, à 30 ans ou plus, n’ont connu dans leur lit que leur douce moitié, sont des ovnis. Alors, trouver la «bonne» personne à 16 ans, est-ce une chance ou un risque de rester bloqué dans des schémas adolescents? La sexualité évolue-t-elle de la même manière que pour ceux qui ont changé régulièrement de partenaire?
«Côté sexuel, c’est une chance, affirme la psychologue FSP et sexologue ISI Patrizia Anex. On grandit ensemble, on apprend, on expérimente, on explore dans la sécurité d’un couple naissant. Mais les couples restent parfois enfermés dans une sexualité plutôt adolescente. Une pudeur limitative peut s’installer, et l’on ne sait pas comment aborder les désirs, car on prend peu l’habitude de parler de sexualité. Adolescent, on ne se préoccupe pas de connaître ses sources d’excitation sexuelle car on est porté par les hormones.»
La même position pendant vingt ans
Le risque? Vivre de sérieux dysfonctionnements, sans réaliser qu’il y a un problème. Selon la spécialiste, qui reçoit de nombreux couples dans son cabinet, il arrive que Madame n’ait jamais eu d’orgasme, que Monsieur soit un éternel éjaculateur précoce ou que le couple n’ait expérimenté qu’une seule position, sans la moindre remise en question en vingt ans. «Avec un nouveau partenaire, on réalise assez vite qu’il y a un souci! Certains couples ne se rendent pas compte de leurs blocages. C’est souvent une crise qui déclenche les questionnements.»
Etonnant, à l’heure où il est facile de s’informer. Et la pornographie? «Les gens voient cela comme un film, mais ne vont pas forcément demander ces pratiques à leur partenaire. Si on regarde un film avec un superhéros, on ne va pas essayer de voler», explique Patrizia Anex, à la fois amusée et très sérieuse.
Emilie*, 42 ans, est avec son homme depuis l’âge de 15 ans, et s’en estime très heureuse. «On a tout appris ensemble, et cela s’embellit d’année en année. On est plus à l’aise, et je repense à nos débuts en souriant.» Ensemble, ils dialoguent continuellement, un point «essentiel pour éviter qu’après vingt-sept ans, on se rende compte que l’on a pris des chemins différents. Parfois tu réalises que certaines choses se font, tu vois avec l’autre si cela le tente ou pas. Je ne dis pas que cela a toujours été rose! Mais on ne s’oublie pas, on entretient notre complicité.»
Le piège de la curiosité
Le piège, selon Patrizia Anex, c’est la curiosité. Et ce, même si la relation est satisfaisante. «Notre sexualité humaine est curieuse d’autres corps, d’autres odeurs. Ces couples vont donc parfois vers l’échangisme. C’est généralement autour de la quarantaine que ces questions font surface. Jusque-là, on est occupé avec la famille… Et tout à coup, on vieillit, le corps change, et l’on a besoin de se rassurer.»
A ces couples qui vivent une belle histoire mais sont animés par la curiosité et la peur de passer à côté de quelque chose de mieux, Patrizia Anex conseille volontiers de faire des expériences tout en restant ensemble. «Je leur dis que cela ne sert à rien de se séparer. Et tout le travail consiste à ne pas casser la famille.» Ce travail passe d’abord par la communication. «Ces couples ont une forte complicité, pensent bien se connaître, mais sont souvent étonnés lorsque je provoque la discussion autour de leur sexualité. Ils se découvrent autrement.»
Quel conseil pour les ados que cette question turlupine? «L’amour et la sexualité entre 16 et 25 ans s’imprègnent fortement dans notre corps. Les amours de jeunesse ne s’oublient pas. L’idéal serait de faire ses expériences, et de se mettre en couple vers 22-25 ans. Mais peu se font cette réflexion.»
Vivre sans sexe
Par hasard ou par choix, elles n’ont plus de vie sexuelle
Dans son dernier roman, L’envie, Sophie Fontanel en parle comme de la «pire insubordination de notre époque». Et pour cause: ne pas avoir de vie sexuelle dans notre société hyperérotisée, où le sexe n’est plus un acte naturel mais un baromètre de bonheur et de santé, c’est louche. Encore plus si l’on vit bien cette situation. Maryse a vécu neuf ans d’abstinence, entre 21 ans et 30 ans. Hasard de la vie. Une rupture, un travail prenant, et pas de rencontres. Pas de frustration non plus. «Le sexe ne me manquait pas, confie la quadragénaire. J’étais sous pilule et ça mettait ma libido en berne. Mais je sentais qu’autour de moi, on pensait que j’avais un problème. Au bout de quelques années, j’ai donc arrêté de dire que je ne faisais plus l’amour. Pas parce que j’en avais honte, mais parce qu’on posait sur moi un regard apitoyé et suspicieux qui ne me plaisait pas. J’ai même fini par m’inventer des amants de passage, pour rassurer les autres. Pour entrer dans le moule.»
Ne pas être actif sexuellement serait-il tabou? Oui, en particulier chez les hommes, confirme la sexologue Patrizia Anex, à Orbe (VD). Selon la spécialiste, 40% des abstinents – volontaires ou non – sont des hommes. Soit près de la moitié. «Mais eux ne peuvent absolument pas le dire. Pourtant, il n’y a pas de normalité, en la matière. Certaines personnes vivent très bien sans sexe. C’est le cas de bien plus de couples qu’on l’imagine, même si les deux partenaires s’aiment et n’ont pas forcément de relation extraconjugale. Chacun sait ce qui est bon pour lui.» Encore faut-il résister aux diktats sociaux. Et ils ne manquent pas. Il faut faire l’amour deux à trois fois par semaine, car c’est la moyenne. Il faut avoir une vie sexuelle active, car ça allonge l’espérance de vie. Il faut être épanoui sexuellement, car c’est un droit. A en croire les innombrables études scientifiques sur le sujet, si l’on n’a pas de vie sexuelle, on a donc toutes les chances de mourir jeune, malade, déprimé. Voire, selon ce bon papa Freud, de finir complètement fou.
Vivre ou survivre?
«Il n’y a jamais eu autant de diktats à propos du sexe – comment bien faire l’amour, combien de fois – et on n’a jamais autant étalé la misère sexuelle des couples qu’aujourd’hui, poursuit Patrizia Anex. Les sexologues se battent contre ces idées imposées qui font qu’au final, certaines personnes ne savent même plus faire l’amour. Dans ces conditions, si l’on fait le choix de ne plus avoir de vie sexuelle, il s’agit clairement d’un acte de révolution. Mais encore faut-il s’entendre sur ce qu’on appelle «sexualité». Beaucoup de personnes seules n’ont plus de rapports mais ont recours à la masturbation ou regardent des films pornos.» Certes, il est possible de survivre sans sexe, confirme la sexologue, mais cela n’a rien de simple. «Le sexe correspond à un instinct de vie et à une réalité physiologique. Chez les personnes abstinentes, il n’est pas rare que ce besoin se manifeste par des rêves érotiques, indépendants de leur volonté. Le laisser s’éteindre peut faire souffrir car on risque d’éteindre aussi d’autres aspects de la personnalité tels que la créativité et la sociabilité. Or, le sexe se nourrit de lui-même: moins ou l’utilise, moins on en a envie.»
La théorie de la pistache
En matière de sexe aussi, l’appétit viendrait en mangeant. Cécile, célibataire de 30 ans, appelle cela la «théorie de la pistache». «Tant qu’on n’a pas entamé le bol de pistaches, on ne ressent pas le besoin d’en manger. Mais si on en prend une, on en veut une autre, puis une autre. Quand il n’y en a plus, on a encore envie et il faut attendre un moment jusqu’à revenir à l’état de départ où l’on n’avait pas besoin de pistaches. Le sexe, c’est pareil. Durant les deux mois qui suivent un rapport, ça me manque. Surtout les deux premières semaines. Puis ça passe graduellement. Je pense que ça me manquerait plus si je me masturbais.» Côté plaisirs solitaires, elle a aussi choisi d’adopter la politique du «tout ou rien». «La masturbation ne m’intéresse pas, car elle réactiverait l’envie de faire l’amour. Je préfère ne rien avoir que de me contenter d’un substitut.»
Depuis quatre ans, la jeune femme n’a pas de relation fixe mais en moyenne une aventure d’un soir par an. Elle s’en satisfait, malgré elle. «Non, ce n’est pas l’idéal. Ni le sexe, ni l’amour ne me manquent tant que ça, car j’ai trop de boulot et que je n’ai pas le temps d’y penser, mais dans l’absolu, je ne pense pas qu’on soit fait pour être tout seul. Par moments, je me dis que je ne devrais pas me satisfaire de ma situation. Je ne suis pas triste, je n’ai pas de regrets, mais je suis tiraillée entre le fait que je vais bien comme ça, que je peux m’occuper de mille autres façons, et le fait qu’il faudrait que je me case car c’est ce que la société attend de moi. Ce qui me manque, c’est d’être en couple, mais d’avoir des coups d’un soir. Je crois que j’ai surtout besoin de bras.»
Le chiffre
18% C’est le pourcentage de Français qui n’ont jamais eu de rapports sexuels, selon une enquête Sofres réalisée en 2009 pour Le Nouvel Obs. Les femmes sont les plus nombreuses à ne pas connaître les plaisirs charnels: 22%, contre 13% d’hommes.
Quand les couples se (re)découvrent grâce aux SMS érotiques
Si l'envoi de textos coquins est souvent associé aux seuls adolescents, il est largement utilisé et encouragé chez les couples plus âgés et bien établis
Vous pensez connaître par cœur la personne qui partage votre vie depuis des années? Essayez le sexting, vous aurez peut-être des surprises, et en prime quelques bouffées de chaleur. Certes, le fait d’envoyer des SMS coquins à son partenaire ne date pas d’hier. Cette pratique est apparue avec les premiers textos dans les années 1990, tout comme le film porno a démarré avec l’invention du cinéma. Plus récemment, les selfies intimes se sont ajoutés au terrain de jeux érotiques.
Selon une étude présentée à un congrès de psychologie à Toronto en 2015, les couples qui «sextent» auraient une vie sexuelle plus épanouie. Mais nombreux sont les couples qui ont entamé leur relation avant la démocratisation du SMS. Pour ceux-ci, ce type d’échange vient moins naturellement.
«J’ai commencé le sexting il y a cinq ans, alors que je traversais une crise de couple après quinze ans de mariage», raconte Stéphanie *. Cette mère de famille glisse vers des échanges chauds-bouillants avec des inconnus, alors qu’elle n’avait jamais échangé de message à caractère sexuel avec le père de ses enfants. Une parenthèse qui lui donne envie de poursuivre le sexting, au sein de son couple cette fois.
S’il ne représente pas du tout une solution miracle lors d’une vraie crise de couple, le sexting «est très utile lors de troubles du désir, que ce soit pour les hommes ou pour les femmes», explique la psychologue FSP et sexologue ISI Patrizia Anex. «Quand les couples me disent qu’ils ne se voient pas assez, je les encourage à s’envoyer des sextos et des photos. Le pont principal étant de nourrir l’érotisme. Malheureusement, c’est quelque chose que les couples ne savent pas faire! Ils sont soit dans la relation sexuelle, soit en dehors. Trop souvent en mode on/off. Les sextos font le pont entre ces deux moments, entretiennent la tension sexuelle.»
Talents érotico-poétiques
Patrizia Anex recommande donc chaudement le sexting à ses patients, même les plus âgés, «jusqu’à 70 ans. Auparavant, ils s’écrivaient des lettres, c’est une continuité. Mais au lieu d’un courrier qui mettra du temps à arriver, l’érotisme est immédiat! Certains couples se redécouvrent de cette manière. Cela montre aussi ce que je sais de mon compagnon, si je lui parle d’un fantasme particulier.»
Et la sexologue de s’extasier devant les talents érotico-poétiques de ses patients. «Si l’on faisait un recueil de sextos, on aurait une sacrée littérature. Il y a du romantique et du très cru. Et si l’on glisse un terme cru dans un joli message, cela crée la surprise et l’excitation chez l’autre.»
Pour Stéphanie, le sexting est une réelle manière de faire naître les fantasmes, un «moyen de faire monter la sauce, sans être trop direct. Je préfère un message qui me dit «ton sexe est délicieux», plutôt que de lire «j’ai adoré mettre ma langue dans ta moule!». Je suis sensible à la façon d’amener les choses. Si c’est fin et bien écrit, cela excite mon imaginaire, beaucoup plus que les photos.» En revanche, son expérience n’a pas toujours été positive: «On peut planifier, imaginer toutes les choses que l’on va faire une fois les enfants couchés. Et le soir venu, les enfants sont pénibles, et tu es fatigué…»
Des risques
Alimenter les fantasmes est une chose, passer à l’acte en est une autre. Un point qui peut être source de terribles frustrations. Mieux vaut donc être sur la même longueur d’ondes. Et si l’un des deux partenaires se sent harcelé par des messages érotiques insistants, le sexto provoquera évidemment l’effet inverse…
Côté freins, qui dit «sexting entre parents» dit aussi «enfants curieux qui risquent de tomber sur des messages compromettants». La solution: installer une application comme Couple, plateforme d’échange (messages et photos) entre deux personnes, protégée par un code d’accès. Et pour ceux qui auraient peur des fuites et du piratage, la messagerie sécurisée Threema crypte toutes les communications. Plus d’excuse donc pour faire rougir l’écran de votre moitié…
* Prénom d'emprunt.
Bien-être Une naissance change la vie et bouleverse les habitudes d’un couple. Il arrive d’être confronté à des difficultés sexuelles. Conseils et témoignages afin de les surmonter.
Pleurs à toute heure et effluves de régurgitation sont de piètres aphrodisiaques. Quant au manque de sommeil, il nuit à la libido. L’arrivée d’un enfant bouscule la vie, y compris sur le plan de l’intimité. «La difficulté, c’est de reprendre les rapports sexuels. Il y a des changements dans le corps. Les femmes ont souvent peur d’avoir mal et les hommes peur de faire mal», observe la sexologue vaudoise Patrizia Anex.
Elle assure pourtant que dans la plupart des cas, tout se passe bien. Et de mettre en garde les couples qui ne font pas l’amour dans les six mois qui suivent un accouchement: «Pas besoin de se brusquer. Mais plus on attend, plus c’est compliqué de retrouver le désir. Il ne faut pas hésiter à consulter.» La spécialiste note que les parents qui regagnent sereinement leur vie intime sont ceux qui ont dialogué auparavant: «Même si c’est difficile, il est essentiel de se dire comment on se sent et ce que l’on aime.»
Un sujet difficile à aborder
Toutes deux mères de quatre enfants, Jennifer et Mathilde regrettent que ni leurs sages-femmes ni leurs gynécologues n’aient abordé ce sujet avec elles. Au nom de la Fédération suisse des sages-femmes, Heike Emery soutient qu’il appartient à sa profession d’en parler et d’orienter au besoin les patientes vers des sites d’information sur la santé sexuelle, les plannings familiaux ou les gynécologues. «C’est plus facile depuis l’été dernier, car les visites à domicile sont désormais possibles jusqu’au 56e jour post-partum. Auparavant, on arrêtait le suivi au 10e jour et les femmes étaient alors à mille lieues de se préoccuper de la reprise des rapports sexuels.» Contestant un tabou sur la question, le professeur Olivier Patrick Irion, médecin-chef du département de gynécologie et d’obstétrique des HUG, précise: «Il n’y a pas de délai recommandé pour reprendre une sexualité post-partum, cela dépend de l’envie de la femme, des circonstances de l’accouchement et de la physiologie de l’allaitement. S’ajoutent la fatigue et le désir ou non du couple.»
Patrizia Anex maintient que la sexualité a tendance à se confiner au second plan, car ce qui compte avant tout est de parler du bébé: «C’est dommage, les femmes se posent plein de questions. Et avoir une bonne sexualité, c’est primordial, y compris après avoir donné la vie.»